Dernière mise à jour le 17 février 2024
Les Liaisons dangereuses s’offrent un Quinze ans après, écrit et interprété par Marjorie Frantz. C’est Merteuil, et ce sera présenté à l’Escale de Saint-Cyr-sur-Loire le 26 janvier 2024.
On a tous lu Les Liaisons dangereuses ou on aurait dû le faire. Le livre de Pierre Choderlos de Laclos est un monument de la littérature française, toutes les bonnes encyclopédies vous le diront. Et si on ne vous en a pas parlé à l’école, c’est que vous étiez au Couvent des Oiseaux et que le sujet sulfureux du roman faisait se dresser les cornettes de terreur.
Parce que l’histoire est digne de Casanova (en pire) ou de Sade (en plus soft, tout de même). Une histoire plus que tortueuse, qu’il sera difficile de résumer ici. On vous conseille donc de faire, comme nous, pour raviver votre mémoire ou faire semblant d’avoir lu le bouquin, une petite balade du côté de Wikipédia.ou à aller le chercher chez votre libraire préféré…
écrit « Les Liaisons dangereuses », et c’est une bombe…
Cela dit, on peut tout de même rappeler que la Marquise de Merteuil est un faux-jeton (on reste polis, même si un autre mot conviendrait au contexte) de première, vertueuse en société et dévergondée dans le boudoir. Que son complice, le vicomte de Valmont, est digne d’elle et que tous les deux, par calcul et par jalousie, vont se lancer le pari de débaucher une oie blanche de la bonne société. Du libertinage chaud, très chaud.
Vu comme ça, c’est simple comme du Molière. Mais l’intrigue se double, se dédouble, s’entremêle, au point qu’il faudrait prendre des notes pour se rappeler qui est qui, qui trahit qui, et qui aime vraiment qui. Cela étant, l’important est de savoir que Cécile va céder à Valmont, ce qui va la conduire au couvent, et que le vicomte va finir une épée à travers le corps lors d’un duel qui lui permettra (avant de mourir, évidemment) de révéler au monde la vraie nature de Madame de Merteuil. Fin du roman.
Ultime précision : ce qui fait des Liaisons dangereuses (immense succès lors de la parution en 1782) un « monument de la littérature », c’est l’originalité de l’auteur qui fait tenir tout le livre uniquement dans des correspondances. Une nouveauté que l’on retrouve encore aujourd’hui, comme chez Virginie Despentes et son Cher connard. Mais là, XXIe siècle oblige, on est dans le courrier électronique.
Choderlos, féministe engagé
C’est justement au XXIe siècle que Les Liaisons dangereuses auront une suite inattendue, à la manière d’un Alexandre Dumas. L’idée en revient à Marjorie Frantz, qui imagine que Madame de Merteuil et Cécile Volanges se retrouvent, quinze ans après que Valmont ait expédié son âme au diable, ce qui ne l’empêchera pas de hanter les deux femmes.
C’est aussi Marjorie Frantz qui sera sur la scène de l’Escale pour jouer le rôle-titre, avec Chloé Berthier dans celui de Cécile. Sans être une explication de texte, Merteuil utilise beaucoup de passages du livre, ce qui permet de ne pas être trop paumé si l’on n’est pas familier de la chose. Mais, surtout, la pièce en extrait la substantifique moëlle féministe, en particulier celle de Madame de Merteuil qui disait déjà à Valmont : « [Je suis] née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre. » Ou encore : [Pour un homme] « les défaites ne sont que des succès de moins. »
La gourgandine était donc une militante, ce qui n’excuse pas tout.
Féministe, donc, la dame, grâce à l’auteur, qui ne l’était pas moins. Choderlos de Laclos a écrit d’autres textes, dans lesquels il dénonce notamment l’éducation donnée aux jeunes filles qui ne vise, selon lui, « qu’à les accoutumer à la servitude, et à les y maintenir. » Visionnaire.
également autrice de la pièce. (Photo DR)
Sur scène, ce qui devrait se résumer à un crépage de chignon (« N’oubliez jamais que lorsqu’une femme en combat une autre, l’issue est souvent fatale » disait Pierre Choderlos de Laclos) tournera à un brillantissime dialogue où le féminisme, déjà présent dans le roman, prendra toute sa force.
« Quel plaisir d’entendre une langue si déliée dans des joutes piquantes comme des fleurets. Le texte d’origine inspire plus d’une salve dans la bouche de Cécile et de la Merteuil » dit France-Info, enthousiaste. Ce que confirme Ouest-France : « Supposer une suite aux Liaisons dangereuses relève d’une certaine audace et d’un culot dont Marjorie Frantz relève avec brio le défi. Emprise, viol conjugal, consentement, abus, mais aussi liberté d’aimer, droit de disposer de son corps, tels sont les thèmes et les enjeux qui déchirent les tentures immaculées qui enveloppent le décor. »
Et c’est Madame de Merteuil elle-même qui rend hommage à l’auteur des Liaisons : « Heureusement que certains esprits libres tentent de briser ces conventions séculaires édictées par des hommes pour des filles, des épouses et des mères. » Dont acte.
À l’Escale de Saint-Cyr-sur-Loire, le vendredi 26 janvier 2024 à 20h30.
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