Dernière mise à jour le 9 mai 2024
SUR L’ÎLE DE NANTES
Il est passé par ici (Tours), il repassera par là (Nantes). JonOne fait une étape au milieu de la Loire, sur l’Île de Nantes, précisément, du 28 mars au 21 avril 2024. Titre de l’événement, emprunté à sa maison d’édition, 𝗝𝗼𝗻𝗢𝗻𝗲’𝘀 𝙍𝙤𝙘𝙠 𝙛𝙤𝙧 𝙇𝙞𝙜𝙝 !
De quoi il retourne, on n’en sait rien mais il est probable que JonOne y mettra du sien et de la peinture, comme à son habitude. Et que ce sera très chouette, comme toujours.
Reste à vous dire où ça se passe. À la Cale 2 Créateurs, sur l’Île de Nantes, comme on a dit. Vous ne connaissez pas ? C’est simple : vous visez la grue jaune (les Nantais savent que, sur l’Île, on se repère à la couleur des grues), c’est juste en-dessous, ou presque. Facile, non ?
Le vernissage aura lieu le 4 avril, à l’heure de l’apéro. On général, c’est le moment où JonOne sort ses pinceaux. Tentez le coup…
Et pour ceux qui ne connaissent pas encore JonOne, on vous remet l’article que nous avions publié lors de sa dernière apparition tourangelle.
Il fait parfois dans le gigantisme. Il a commencé dans la rue. Il est exposé à New-York comme à Dubaï. Allez savoir pourquoi (nous, on sait) il est passé par la Galerie Veyssière Sigma de Tours en 2020 avec son Journal Intime Part. I.
Du 12 mai 2022 au 28 août de la même année, il revient à Tours, cette fois à l’Hôtel Goüin. C’est JonOne et c’est toujours la Galerie Veyssière-Sigma qui régale.
John Andrew Perello, AKA JonOne is a graffiti artist, born in 1963 in New York, USA. Quand on a dit ça, à part faire semblant de parler anglais, on n’a pas dit grand chose. Sinon qu’à New-York, particulièrement à Harlem, quand on s’emmerde dans les halls d’immeubles (“Comme partout », constate John Andrew) et qu’on a des démangeaisons d’expressionisme pictural, on va dans le métro. Et on tague les wagons. « Le métro, c’est un musée qui traverse la ville » dit-il encore. À New-York en tout cas.
Apparemment, ça ne dérange pas grand monde, sauf peut-être la RATP locale, la MTA (Metropolitan Transportation Authority) pour les amateurs de précisions. C’est comme ça que John Andrew, qui ne s’appelait pas encore JonOne, a vidé ses premières bombes de peinture.
Si l’on en croit Wikipédia, ses vrais débuts ont été une déclaration d’amour taguée sur les murs du quartier. La demoiselle a été conquise, mais pas éternellement. Pour se remettre de leur rupture, le tagueur éploré va suivre en 1987 son pote Rockin’ Squat, rappeur français, outre-Atlantique, mais dans le sens ouest-est.
Le temps des copains
Une quarantaine d’années plus tard, le graffeur amateur est devenu artiste peintre professionnel, s’appelle définitivement JonOne, continue parfois à taguer des wagons, mais c’est pour des performances, et exerce aussi son talent sur des avions, ce qui est plus classe que les rames new-yorkaises, aussi folkloriques soient-elles, et même sur un Thalys, avec la permission du proprio.
De New-York, JonOne a atterri à Roubaix, cité que l’on ne savait pas si bien desservie, on se demande pourquoi. Mais, entre-temps, il a fait quelques étapes, dont Paris, comme on l’a vu plus haut. Son talent avait déjà évolué avant son départ, poussé par un ami, A-One, lui aussi graffeur : « Grâce à A-One, j’ai commencé à visiter des expositions, à nourrir ma vision de ce qui se passait dans ce monde. J’ai commencé à prendre mon travail au sérieux, à ne pas le considérer comme du vandalisme mais simplement comme de l’art. » dit JonOne (Nova Mag)
A-One avait raison. JonOne a un sacré talent. Il faut voir comment ce qui n’était qu’un assemblage de lettres est devenu un vocabulaire coloré éblouissant. La matière bouge, éclate. On la dirait lumineuse. Au fil du temps, l’écriture disparaît. JonOne se contente de touches projetées, manipulées. L’œuvre finie semble sauvage (« Mes toiles sont une jungle. » – Artistikrezo) mais il faut voir l’artiste au travail pour comprendre que la moindre tache est ressentie avant d’être figée.
D’accord, on a tout faux. Ou presque. Parce qu’en présentant JonOne dans notre article (ici), nous avons surtout parlé de son travail à la bombe. Un classique dans le milieu, une base, des racines, appelez cela comme vous voulez.
Selon une approche binaire – la nôtre, en l’occurrence –, qui dit graff dit bombage. Erreur. Il fallait aller voir l’exposition de l’Hôtel Goüin à Tours (pour ceux qui ne sont pas de la région, précisons que le terme d’« hôtel » s’entend au sens historico-architectural du terme et non en celui d’hébergement touristique) pour découvrir que JonOne manie plus le pinceau que le pulvérisateur. Il y en a bien quelques traces ici ou là, histoire de donner une profondeur, une vibration, mais la majorité du travail se fait à la brosse, comme une petite vidéo de la « performance » effectuée sur place le montre.
C’est d’ailleurs presque dommage. Comme si la démonstration cassait un peu la magie. On ne passe pas impunément de l’autre côté du miroir. Certes, voir JonOne se jeter dans la création, prendre la matière à bras-le-corps, se projeter sur le papier avant de se transformer en moine-copiste enlumineur confirme qu’il y a toujours un mystère dans l’art contemporain.
Comment, pourquoi, des taches, des projections, des enchevêtrements, des coulures, des hasards provoqueront l’émotion chez l’un, l’indifférence chez l’autre, le rejet chez un troisième ? On parle ici aussi bien de l’artiste que de l’observateur. Pour le second, c’est une question de perception et ça ne se discute pas. Pour le premier, c’est une question de talent, fût-il sauvage.
Et si le talent se mesure à l’aune de ce que ressent le visiteur, JonOne est un grand monsieur. Coloriste de haute volée, son fatras sublime s’illumine, aidé en cela par la mise en place d’Élie Veyssière. Ses traces sont un alphabet universel. On est surpris, séduit, convaincu, admis dans le cercle, on est proche du peintre-graffeur-calligraphe. C’est beau. Point.
Des visiteurs séduits, il y en a eu un paquet depuis l’ouverture de l’exposition. En quelques jours, ils ont été plusieurs milliers à gravir les vénérables marches de l’Hôtel Goüin. Beaucoup viennent de loin (comme ce cycliste pédalant de Strasbourg à Rennes et qui a fait un détour uniquement pour voir l’expo), parfois même d’outre-frontières.
Beaucoup achètent, aussi. On n’est pas obligé d’apporter son – gros – chéquier mais il faut passer rue du Commerce pour découvrir l’univers incandescent de JonOne. C’est gratuit, mais ça vaut le coup d’œil.
Fort, très fort…
C’est beau, et il est juste que JonOne soit devenu star internationale. « Peindre m’a ouvert à moi-même, cela me permet d’entrer en communication avec ce que je suis » dit-il. Une ouverture qu’il n’a trouvée qu’à Paris : « À Boston, si tu fais une exposition de graff’, la police va faire une descente pour coffrer les artistes. C’est ce qui est arrivé récemment à Obey, l’auteur en 2008 de l’affiche de la campagne de Barack Obama ! » (L’Express) Petite précision, si vous êtes tentés : certaine de ses toiles se vendent jusqu’à 150 000 euros… Inflation non incluse.
Communication donc. Le travail de JonOne « parle ». Fort, très fort. Ce qui ne l’empêche pas d’être entendu des officiels, au grand dam de certains puristes du street art qui voient là une trahison. JonOne (il a reçu la Légion d’honneur…) a peint des foulards et des flacons pour Guerlain, et même une Liberté guidant le peuple pour l’Assemblée Nationale.
Sa liberté à lui, il la consacre aussi à des œuvres de charité. En 2011, il a peint un portrait de l’abbé Pierre uniquement avec le texte de la fameuse déclaration de l’abbé en 1954. L’œuvre est magnifique, est restée sur le mur où elle a été créée et se retrouve sur des t-shirts.
Liberté chérie…
En perpétuelle évolution, JonOne s’est essayé aux – très – grands formats à Marseille. Magnifique. Mais pour entrer dans la Galerie Veyssière Sigma à Tours, il lui a fallu réduire ses ambitions. La collection qu’il a exposée s’appellait Journal Intime Part. I.
Pour la galerie tourangelle, recevoir JonOne était un coup d’éclat mais devient presque une habitude. Encore une histoire de copains. C’est un pote du proprio de la galerie, Élie Veyssière, qui lui a parlé de son pote à lui, JoneOne. Rencontre, sympathie, décision. La première visite en Touraine est un triomphe. Chapeau l’artiste (on parle du propriétaire, Élie Veyssière, évidemment), dont les cimaises commencent à recevoir de plus en plus de signatures reconnues au-delà des rives de la Loire.
Donc, puisqu’on s’entend bien, autant se revoir. La galerie de la rue Colbert est sympa mais un poil petite pour un JonOne qui a parfois la folie des grandeurs (voir pour cela l’expo du Mucem marseillais). L’Hôtel Goüin n’est pas loin, il se prend aussi pour une galerie, le président du Conseil Général, auquel le lieu appartient, passe devant chez Veyssière en sortant du boulot… On bavarde, on imagine et on décide. JonOne exposera rue du Commerce, où il succédera à Combas, autre dynamiteur de toiles, non sans laisser quelques traces dans la Galerie Sigma, tout de même.
Puisque JonOne dit « Pour moi, faire preuve d’audace est synonyme de liberté. » (Christophe Ménager), autant le libérer complétement. L’exposition, nommée The Big Takeover, sera une sorte de performance, exercice prisé de l’artiste. Il se livrera à un « solo show », notamment le jour du vernissage. La traduction du titre (invitation, prise de contrôle, prise de pouvoir…) laisse libre cours à l’imagination mais ça devrait sérieusement dépoter, sans jeu de mots.
Et pour le fun…
JonOne par Joey Star. Le premier a dessiné un mur en utilisant le nom du second. Au temps où ils cohabitaient. Presque.
Et l’artiste au travail.