Dernière mise à jour le 18 mars 2024
Deux clowns, deux musiciens, deux acrobates, deux poètes, ce sont Les Rois vagabonds, deux artistes exceptionnels qui seront sur la piste de l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours le 12 mars 2024 pour faire rire – et, un petit peu, pleurer – les vieux enfants et les autres, avec leur Concerto pour deux clowns.
Il a un gros nez et n’est pas bien beau. C’est normal, c’est l’Auguste.
Elle est toute blanche et elle est bien jolie. C’est normal, c’est « la » clown blanche.
Il souffle dans un tuba, un piston, une trompinette, comme aurait dit Boris, bref il a le pavillon haut. Elle triture l’archet et joue du violon comme une virtuose. C’est parce qu’elle l’est.
Ils dansent, font des acrobaties de dingues, jouent de la musique, imaginent des gags impayables.
Ils s’aiment et se le disent en silence. Pas comme tout le monde, évidemment, mais avec une tendresse et une poésie de grands comédiens, ce qui vaut bien une petite larme au coin de l’œil, entre deux rires, aux larmes, évidemment.
Ce sont Les Rois vagabonds et leur Concerto pour deux clowns, qui a été récompensé en Avignon par le public et par le public partout dans le monde, est une merveille.
Il était une foi, deux fois
Normalement, pour le commun des utilisateurs de la Sécurité sociale, Les Quatre saisons de Vivaldi évoquent plus une interminable attente téléphonique qu’un coup de foudre. Pas pour Julia Moa Caprez qui est tombée dedans quand elle était petite : « Vivaldi a toujours fait partie de ma vie. Mon père l’écoutait en me berçant, bébé, dans son fauteuil à bascule. Enfant, à la Tonhalle de Zurich, j’ai vu Nigel Kennedy en blouson de cuir et crête de punk interpréter Les Quatre Saisons. Il parcourait la scène, tournait autour de l’orchestre en sautant et tapant des pieds comme un danseur de hip-hop tandis que de son violon sortait le gazouillement des oiseaux du printemps, le tonnerre d’un orage d’été, la mélancolie d’une journée d’automne, la sérénité d’un paysage d’hiver. »
Elle a quatre ans, et, à l’âge où d’autres pignent pour une poupée Barbie, elle demande à apprendre le violon. Bien vu (et entendu). Il ne lui faut que quatre ans de plus pour donner son premier concert. Viennent ensuite les grands orchestres, les tournées. Fin de l’histoire ? Non.
Même inspirée par Nigel Kenndy, Julia Moa Caprez a des fourmis dans les jambes. Alors, elle file dans une école de danse (Amsterdam), puis dans des écoles du cirque (Buenos Aires, San Francisco). Et voilà que le violon la titille à nouveau ! On a compris : la clown danseuse va jouer de l’archet. Quand on a la foi…
En France, un autre hurluberlu, mâle celui-là, découvre aussi précocement la foi : « La première fois que j’ai été clown, c’était sans le vouloir, au collège pendant une démonstration de gymnastique.
Mes mouvements mal dégrossis, derrière les figures impeccables de deux filles, déclenchèrent le fou rire du public. Je ne comprenais pas très bien mais je sentais que mon embarras et ce rire créaient quelque chose de magique, c’était comme une force qui suspendait le déroulement convenu, qui rassemblait et faisait du bien. » se rappelle Igor Sellem.
Pas de Vivaldi à l’horizon mais une maîtrise de physique fondamentale ( ? ? ?) et un brevet d’État d’escalade. Et surtout « dix années à sillonner la France comme trompettiste et acrobate avec la Compagnie Erectus. Mais, insensiblement, ce long cheminement m’a ramené à cette expérience première : clown. » Donc, travail pour le devenir et, il fallait s’y attendre, rencontre avec Julia Moa Caprez et naissance des Rois vagabonds.
Vivaldi, cul par-dessus tête
Résumons : nous voici avec le retour de Vivaldi, un alpiniste, un violon, une trompette et une foutue envie d’être clown multipliée par deux. On peut y ajouter deux cerveaux qui fonctionnent aussi bien que les muscles, un sens de la théâtralité nourri à la poésie, et l’on obtient, comme ils le disent eux-mêmes en citant Henry Miller, des « poètes en action ».
Et quelle(s) action(s). La violoniste, parée et poudrée comme une baronne échappée du Bal des Vampires, joue Vivaldi la tête en bas ou en équilibre sur les épaules de son soupirant. Son compère manipule les pistons en faisant des acrobaties folles, un lustre en prend pour son grade, on bouffe de la paille, le public participe, et tout cela nous donne des rires en pagaille et, dit Télérama, « de jolies notes poétiques et une pétulance contagieuse. »
Les gens du sud (qui l’ont vu au Festival d’Avignon, sans doute) confirment : « Le numéro donne l’apparence d’une facilité déconcertante, et sans jamais se départir d’un humour fin, tendre et poétique. » (La Provence)
Concerto pour deux clowns peut se voir en famille, chacun pouvant choisir son niveau de lecture. À ce propos (la lecture), Julia Moa Caprez a écrit un livre qui raconte l’aventure des Rois vagabonds. Elle y dit joliment :
« En spectacle, je suis comme un oiseau en parade nuptiale.
Mais ce n’est pas l’Auguste que je veux séduire, c’est le public.
Me voit-il ? Me voudra-t-il ? M’aimera-t-il ?
Follement, le cœur battant, j’attends sa déclaration d’amour. »
Gageons qu’elle ne sera pas frustrée à l’Espace Malraux.
À l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), le mardi 12 mars 2024 à 20h30
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