Deux mille vingt-trois
de Maguy Marin
La colère au pied du mur

Dernière mise à jour le 18 mars 2024

Avec Deux mille vingt-trois, Maguy Marin continue à dénoncer capitalisme et médias dans un spectacle danse/théâtre percutant. Accueilli par le Centre Chorégraphique National de Tours en collaboration avec le Centre Dramatique national, en mars 2024.

Si l’approche n’en est pas toujours facile, voir un spectacle de Maguy Marin est obligatoirement un moment important, dérangeant, sans doute, mais interrogateur et exaltant. Ceux qui ont suivi la carrière de la danseuse/chorégraphe se souviennent du choc ressenti lors de la création de May B à Angers en 1981. Inspiration de Pina Bausch (« l’impératrice d’un expressionnisme métaphysique », comme le rappelle l’INA), rencontre avec Beckett, l’ancienne danseuse de Mudra, l’école de Maurice Béjart, puis du Ballet du XXe siècle, avait trouvé son style, une danse/théâtre épurée, puissante, troublante mais à l’expression affirmée, sans concession, absolue.

"Deux Mille Vingt-Trois" de Maguy Marin au CCNT de Tours
Au commencement était May B… (Photo Hervé Deroo)

Un style rare à l’époque, une danse/théâtre brute sinon brutale, un travail sur les corps qui allait au-delà du geste, jusqu’à sculpter les visages d’argile. Un style qu’elle est capable de transgresser comme avec sa magnifique Cendrillon, ballet de poupées masquées devenu l’un des phares du Ballet de Lyon, œuvre à la célébrité mondiale où l’on effleure le classique tout en bousculant les codes, comme le faisait… Béjart.

Art politique et politique de l’art

La radicalité de Maguy Marin ne s’arrête pas à la chorégraphie. Elle est aussi dans ses engagements, qu’ils soient personnels ou artistiques. Sans doute marquée par l’exil de ses parents, Espagnols obligés à fuir le franquisme, Maguy Marin attaque frontalement le libéralisme débridé et les médias. « Un artiste doit être dans l’actualité de ce qu’il vit. L’art est toujours politique dans un sens ou dans un autre. En ce qui me concerne je suis de gauche.  » (France-Info)

Déjà avec Deux mille dix-sept la chorégraphe était partie à l’assaut de notre monde contemporain, pour défendre ceux qu’elle nommait « Les victimes du néo-libéralisme. ». Une attaque construite avec une ampleur internationale qui explorait tous les pays du monde.

Une attaque qui avait surpris, tant elle quittait l’univers de la danse, fût-elle ultra-contemporaine. Une attaque sans doute un peu brouillonne, déroutante pour le public, ce que Maguy Marin avait implicitement accepté : « Comment être claire sans sombrer dans le didactique ? Cet écueil, je ne suis pas certaine de l’avoir évité », disait-elle aux Inrocks.

Minimal, minimaliste, minime, mineur ?

"Deux Mille Vingt-Trois" de Maguy Marin au CCNT de Tours
Attaque frontale dans la pénombre. (Photo Cavalca-Mascarille)

Avec Deux mille vingt-trois, on repart sur le même champ de bataille mais la frappe est plus « chirurgicale ». Les adversaires sont nommés, identifiés par leurs portraits. Bolloré, Dassault, Trump, Arnault, Bezos, Musk, etc. Leurs noms s’inscrivent sur les pierres d’un mur, à détruire et à reconstruire, leurs visages s’affichent sur des écrans, leurs actes sont hurlés par les interprètes. Pas de surprise pour ceux qui ont vu Deux mille dix-sept. Le principe est repris, affiné, raffiné, affûté.

Sur scène, les sept interprètes sont dans la pénombre. Danse ? Ça se discute. Déplacements, vociférations, on est plus dans le théâtre que dans la chorégraphie. Ce qui explique peut-être que le spectacle soit accueilli à Tours en collaboration entre le Centre National Chorégraphique (CCNT) et le Centre Dramatique de Tours (CDNT) .Un personnage échappé du théâtre Nô fait des apparitions. Ses coiffes sont faites de billets de banques, de journaux, d’avions, d’objets-symboles du monde contemporain.

Les médias sont attaqués : « Le conformisme, ce consensus ambiant, n’incite pas à réfléchir. Mais, j’ai tout de même ciblé davantage la grande bourgeoisie, la façon dont les élites – en tout cas ceux qui s’en sortent le mieux – finissent par influencer les consciences, en achetant les médias. » (dansercanalhistorique.fr)

Pour le public, s’il est facile d’adhérer au propos, il est plus difficile de comprendre son interprétation : « Il faut dès lors accepter cette non-danse, au risque de ne pas y trouver son compte » disent Les Inrocks.

Ce sera donc au public de dire si Deux mille vingt-trois relève d’une danse minimaliste novatrice ou d’un retour à un théâtre provocateur poussiéreux.

Mercredi 13 (20 heures) et jeudi 14 mars 2024 (19 heures) au CNDT (Théâtre Olympia) de Tours.
Attention, il semble bien que ce soit déjà complet, comme partout où le spectacle est programmé…

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