Fase, d’Anne Teresa De Keersmaeker
Fondation d’un monument

Dernière mise à jour le 14 juin 2021

Elle est l’un des phares de la danse contemporaine, aux côtés de Pina Bausch ou de Carolyn Carlson, entre autres Maguy Marin. Anne Teresa De Keersmaeker chorégraphe est née sur une musique de Steve Reich en 1982. Démonstration – magnifique – avec Fase, Four movements to the music of Steve Reich, le 8 juin 2021 à l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours, dans le cadre du festival Tours d’Horizons.

Anne Teresa de Keersmaeker - Fase (Photo
Anne Teresa De Keersmaeker, la fondatrice… (Photo Anne Van Aerschot)

Si elle s’est “cherchée”, comme on aime à dire, c’est sur des chemins bien choisis. Née en Belgique dans une ferme, Anna devient –  et demeure – flûtiste avant d’entrer dans la danse à dix ans. Elle passe ensuite par l’école Lilian Lambert de Bruxelles puis va se former à Mudra, chez un certain Maurice Béjart.

Diversion ensuite par la case new-yorkaise, importante parce qu’Anna Teresa De Keersmaeker fouine dans un bel assortiment artistique, comme la Grosse pomme en offrait en ce temps-là : théâtre expérimental, danse « post-moderne », musique archi-contemporaine. Elle a signé une première chorégraphie à vingt ans pendant son séjour à Mudra (Asch, une drôle de rencontre entre une danseuse et un parachutiste suspendu à ses ficelles…) mais son véritable démarrage restait à venir. On n’aura pas attendu longtemps. Deux ans, pour être précis.

Rosaces, Rosas…

Anne Teresa De Keersmaeker (photo Anne Van Aerschot.
« Une fascination pour la géométrie, le cercle, la spirale, les vagues gravitationnelles. » (Photo Anne Van Aerschot)

La révélation sera américaine, même si la première représentation de Fase se fera à Bruxelles en 1982. Anne Teresa De Keersmaeker a croisé la musique répétitive, minimaliste, alias musique de… phase. Elle qui reconnaît « une fascination pour la géométrie, le cercle, la spirale, les vagues gravitationnelles » (Le Monde) a découvert le support idéal de sa chorégraphie. Sa gestuelle répétitive, ses mouvements millimétrés, son rythme implacable collent idéalement à la musique de Steve Reich. Ce sera donc Fase, Four movements to the music of Steve Reich et c’est encore aujourd’hui la fondation absolue d’un monument de la danse contemporaine : « Un chef-d’œuvre intemporel de l’art musical et chorégraphique, aux sources de l’art d’une des plus grandes œuvres chorégraphiques contemporaines » (France-Inter)

Depuis, Anne Teresa De Keersmaeker a conçu et dansé (« Je suis danseuse avant d’être chorégraphe » répète-t-elle) plusieurs dizaines de chorégraphies. À peine Fase sur scène, elle a créé sa compagnie, Rosas, référence à la forme géométrique qu’elle adore recréer en mouvement, comme dans sa deuxième création Rosas danst Rosas, où elle invite Fumiyo Ikeda, rencontrée chez Béjart, et qui danse encore pour Rosas.

Anne Teresa De Keersmaeker, photo Anne Van Aerschot.
L’héritage d’Anne Teresa De Keersmaeker (photo Anne Van Aerschot.

Mieux encore, Fumiyo Ikeda sera son héritière. Après près de quarante ans dans le rôle, Anne Teresa De Keersmaeker a décidé de transmettre son œuvre. C’est Fumiko Ikeda qui sera sur la scène de l’Espace Malraux (avec Laura Maria Poletti, Laura Bachman, Soa Ratsifandrihana) en juin 2021 pour dire à son tour le langage d’Anne Teresa De Keersmaeker. Pour l’occasion, les coupes de cheveux au carré des débuts ont cédé la place à des queues de cheval, éléments chorégraphiques elles aussi.

Un langage d’une beauté aussi stupéfiante que sont la simplicité et la pureté des mouvements : «  il s’agit essentiellement de mouvements que propose spontanément un enfant lorsqu’on lui demande de danser : tourner, sauter, balancer les bras. » dit la créatrice qui « considère la marche comme la danse à l’état pur », ce qu’elle a démontré lors d’un « flash-mob » en plein Paris où les gestes, ralentis, devenaient danse.

Si son travail est minutieusement réfléchi, sa pureté même en rend l’approche facile, séduisante. Répétitive, la danse de Fase, comme la musique de Reich, n’est jamais ennuyeuse. Elle parle, convainc et entraîne : «  Basée sur un noyau dur minimaliste pour chacune de ses parties, la structure chorégraphique de cette œuvre magique fait de l’insistance une valeur hypnotique. » (Télérama)

Le cercle démocratique

Anne Teresa De Keersmaeker, photo Anne Van Aerschot.
Les lignes, géométrique et fluides. (Photo Anne Van Aeschot)

Les lignes dessinées sont une peinture éphémère impeccable. Logique pour une créatrice qui avoue sa passion pour la géométrie : « Décidez de deux points sur le sol, emparez-vous d’une corde, faites-en un compas, et tracez votre cercle comme on bâtit sa maison. C’est une forme close, mais aussi une forme démocratique : tout le monde est à la même distance du centre, la hiérarchie est abolie. » (Le Monde)

Anne Teresa De Keersmaeker danse entre la complexité de l’approche et la simplicité du résultat. Une règle qu’elle applique depuis l’origine : « Ces premières pièces ont été montées de façon très intuitive. Je voulais rester au plus proche de moi-même, avec beaucoup d’entêtement. Mot d’ordre : ne jamais exhiber une danse démonstrative, qui témoignerait de mes connaissances, de ma virtuosité, de ma formation classique. Je voulais danser ce qui me plaisait, pas ce qui faisait joli. Danser à l’abri du miroir.”

Anne Teresa De Keersmaeker (photo Anne Van Aerschot.
Fase, quarante ans et toujours des gestes d’enfants. (Photo Anne Van Aerschot)

Fase en est l’expression superbe. Une pièce qui contient dès 1982 tout ce qui fera d’Anne Teresa De Keersmaeker une des plus grandes chorégraphes contemporaines. Un travail sur la ligne et sur le corps dont la fusion est fascinante : «  Cette pièce réussit l’exploit d’être à la fois conceptuelle et physique, d’engager l’esprit autant que le corps. » (ResMusica)

Ce dialogue avec le public, Anne Teresa De Keersmaeker l’a poussé très loin récemment en proposant à tout-un-chacun de danser Rosas. Une activité confinée qui a l’avantage de nous faire bouger intelligemment. Si vous voulez entrer dans la danse (tout en restant assis, vous comprendrez pourquoi en suivant le lien) avec Anne Teresa De Keersmaeker, c’est le moment ou jamais.

Dans le cadre du festival Tours d’Horizons 2021, mardi 8 juin 2021 à l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours (report du spectacle initialement prévu le 30 mai 2020)
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