Dernière mise à jour le 16 décembre 2023
Une vieille dame un peu indigne, une chanteuse pas toujours sage, c’est Alice Mendelson, dite et chantée par Catherine Ringer. Cela s’appelle L’érotisme de vivre, et c’est le 11 novembre 2023 à l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours.
D’abord il y a une vieille dame. Digne ? Sûrement. Indigne ? Peut-être, aux yeux des « braves gens », chers à Brassens, qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux.
Ensuite, il y a Sam Ringer. Peintre, sculpteur, touche-à-tout. C’est l’ami de la vieille dame.
Et puis, il y a la fille de l’artiste, Catherine.
La vieille dame, c’est Alice Mendelson, qui approche le siècle. Miraculeusement sauvée de la rafle du Vel’d’hiv (par un policier !), résistante, enseignante, féministe (sans le savoir ?), conteuse. « Lumineuse, pleine de joie de vivre et très simple. » (RTS) Poétesse aussi. Discrète. Jusqu’à la rencontre avec Catherine.
Catherine, c’est Catherine Ringer donc, fille du peintre et moitié des Rita Mitsouko. Elle ne connaît pas Alice et ne la rencontre qu’après la mort de Sam. Coup de foudre, amitié profonde. Les deux femmes se ressemblent.
Tout feu, tout femme
Par hasard, Catherine découvre que son amie a écrit des poèmes. Depuis 1947, depuis plus de soixante-dix ans. Des poèmes, restés cachés, inattendus chez un dame si sérieuse. On y parle amour, passion et sexe, beaucoup.
C’est beau, c’est franc, c’est osé. Pas de quoi gêner Catherine Ringer qui propose de les dire sur scène. Soirée modeste (en soutien au Théâtre de la Huchette), succès énorme. L’expérience va reprendre, ce sera L’érotisme de vivre. Cerise sur la gâteau amoureux : les poèmes sont édités, pour la première fois.
Que les « braves gens » de Brassens continuent la lecture de La semaine de Suzette. Les autres apprécieront À L’homme léchable qui fut et sera passé au tamis de la langue ou L’homme qui m’empale. On l’a dit, Alice Mendelson joue franc jeu. Sa règle ? « Ne jamais bâcler de vivre. »
Sexe, mais surtout sensualité. Les poèmes d’Alice Mendelson sont la chronique d’une vie de femme, commencée à une époque où les fantasmes féminins restaient cachés, et achevée en pleine période de libération de la parole. Et c’est beau : « Par ta chaleur, ton poids, l’espace occupé par ton corps nu sur le mien, nu lui aussi, je reçois ma vraie nudité. »
Parole libérée, parole qui libère
Pour Catherine Ringer, c’est aussi l’occasion de se libérer d’un passé qui l’avait conduite à tourner dans des films pornographiques et lui avait valu les insultes indignes de Serge Gainsbourg : « C’est une façon de vivre cet érotisme. Je suis heureuse de pouvoir parler de ces choses et de les vivre : ce désir et cette chaleur humaine auxquels je n’ai pas forcément eu accès après des années d’esclavage sexuel. » (Radio Canada).
Pas de panique, s’il n’est pas forcément nécessaire d’amerner les enfants, on est dans la poésie, dans l’équilibre du mot, dans la ciselure du texte. Et Catherine Ringer les dit (elle fut chanteuse/comédienne, notamment pour interpréter Brecht), les chante parfois, avec toute la force d’une femme, elle aussi, hors norme. « C’est une poésie qui est magnifique, mais aussi très simple, donc facile d’accès. Elle va droit au cœur. » (Le Journal de Montréal)
Sur scène, Catherine Ringer est accompagnée par Grégoire Hetzel au piano et au synthétiseur. Pas de décor, même pas les œuvres de son père qui les avait projetées avec sa « lanterne magique » lors des premiers concerts des Rita Mitsouko.
Seulement deux grandes dames, qui demandent « Savez-vous moudre la joie ? » La réponse est dans les textes d’Alice Mendelson, la vieille dame pas si indigne que cela : « Pour bien vieillir, il faut avoir le vice de la joie. »
Il y a des vices qui valent vertus.
À l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours, le samedi 11 novembre 2023 à 20h30.
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