Dernière mise à jour le 26 septembre 2024
Les soirées lyriques de Sanxay continuent leur destinée bucolique en proposant La Bohème de Puccini aux amateurs de musique et de romantisme en plein air. Ce sera les 10, 12 et 14 août 2024.
Sûr qu’en matière de vieilles pierres, Sanxay ne rivalise pas avec Orange ou Vérone. N’empêche, il y a bien des vestiges de théâtre gallo-romain (et aussi des thermes et un temple, mais ce n’est pas notre sujet) entre Ménigoute et Curzay-sur-Vonne ou, si l’on voit plus large, entre Poitiers et Saint-Maixent-l’École, autrement dit en plein cœur du Poitou, département 86, dans le Vienne, donc.
À Sanxay, il y a aussi des amateurs d’art musical. Pourquoi n’y en aurait-il pas ? Des vrais de vrai, du genre à aller se balader ici et là pour se goinfrer les oreilles de contre-ut et autres envolées, lyriques évidemment. Mais aussi du genre à intervenir à l’école devant des amateurs de rap et des fans de Taylor Swift pour leur parler de Rigoletto ou de Traviata, ce qui exige un certain culot et mérite un grand coup de chapeau.
Parmi les fous sanxéens, il y a un certain Christophe Blugeon. Le monsieur aime randonner parmi les vieilles pierres et les cordes vocales. De passage sur le site de Sanxay (l’histoire ne dit pas s’il a poussé la chansonnette), il a l’oreille et l’œil qui frétillent. Voilà un lieu qui sonne bien et qui mérite le détour. L’idée dingue du siècle fait la synthèse : pourquoi ne pas monter un opéra dans le théâtre ? C’est vrai, ça, pourquoi pas ? Phébus et Bacchus vont être contents.
On est en 1999 et il ne faudra qu’un an pour que mécènes, bénévoles et public applaudissent Rigoletto. À Sanxay, quitte à y aller, on y va bille en tête.
Et on a raison. Depuis maintenant vingt-deux ans, 160 000 spectateurs ont fait le voyage, pour le grand bonheur des deux-cent-cinquante bénévoles qui se décarcassent chaque année pour que l’opéra et les spectateurs prennent l’air de la campagne. Une ambiance de fête de village (au bon sens du terme : enthousiasme et convivialité) et un niveau de spectacle à la hauteur du pari. Viva Sanxay !
Giacomo, le retour
Vingt-deux ans au cours desquels on a croisé Puccini, Mozart et autres Bizet. Vingt-deux ans avec Don Giovanni, Carmen, Le Barbier de Séville, Turandot ou Tosca. Entre autres. Qui dit mieux, à part ceux que nous évoquions en ouverture ? Pas dit que certaines scène « installées » puissent en dire autant.
Cette année, c’est La Bohème qui sera à l’affiche des Soirées Lyriques de Sanxay. Troisième passage pour Giacomo, donc. Et première visite pour les joyeux, au moins au début, artistes et copains, Rodolfo, Marcello, Schaunard et Colline, auxquels viendra se joindre Mimi, pour son bonheur, quoique de courte durée.
Donc, quatre copains (Rodolfo, le poète, Marcello, le peintre, Colline, le philosophe et Schaunard, le musicien) tirent le diable par la queue mais vivent une vie de bohème où l’amitié et la bonne humeur remplacent le pain et le bois de chauffage. Rappel : on est chez Puccini, pas chez Aznavour, mais le principe est le même.
Qu’un peu d’argent tombe du ciel (anglais, en la circonstance) et tout le monde file fêter ça, ce qui permet des scènes joyeuses et drôles. On y retrouve Musetta, grand amour de Marcello. Et l’on y emmène Mimi, voisine rencontrée par hasard, aussi pauvre que les compères et dont Rodolfo est tombé amoureux dès le premier regard, si l’on peut dire, car leur rencontre s’est surtout passée dans le noir. Que ceux qui ne connaissent pas On m’appelle Mimi lèvent le doigt et écoutent ici.
Ce n’est un secret pour personne, les opéras finissent mal en général. Mimi n’y échappera pas. Copine de Traviata sans le savoir, elle souffre de la même même phtisie, la tuberculose de l’époque. Ce qui ne lui laissera que peu de temps pour chanter quelques airs magnifiques (Te rappelles-tu, Te lo rammenti) avant de tousser son dernier soupir.
Mêlant magnifiquement la comédie et le romantisme tragique, La Bohème est considérée par beaucoup comme la plus belle partition de Puccini. On ne choisira pas, Tosca ou Butterfly, sans oublier quelques autres, ayant le droit de revendiquer le titre à nos yeux… et nos oreilles.
Des habitués, ou presque
Mimi, à Sanxay 2024, ce sera Adriana Gonzalez, soprano déjà passée en Michaëla de Carmen en 2021, rôle qu’elle reprendra à l’Opéra de Paris l’année suivante. Cette année, elle aura fait, juste avant Sanxay, un passage par le Staatsoper de Berlin pour chanter Liu dans Turandot. Puccini, quand tu nous tiens…
Son soupirant Rodolfo sera Stefan Pop. Un ténor auréolé du prix Operalia Plácido Domingo, entendu à Sanxay comme Alfredo Germont dans Traviata en 2012 et comme Duc de Mantoue dans Rigoletto de Verdi en 2016, un personnage qu’il a emmené sur la scène de l’Opéra de Paris la même année. Il y retrouvera Puccini et son Pinkerton de Butterfly à la rentrée 2024.
La lourde tâche de succéder à Arturo Toscanini (qui dirigea la première à Turin à 29 ans en 1896 et dont le compositeur ne voulait pas…) sera confiée à un autre jeune chef, Moritz Gnann, qui dirigea le Boston Symphony Orchestra ou la Staatskapelle de l’Opéra de Dresde, récoltant au passage le titre de « chef de l’année » décerné par le magazine Operwelt.
Le reste de l’affiche est du même tonneau. De quoi aligner les applaudissements du public sur ceux de la première turinoise, par opposition à des critiques mal lunés comme un certain Carlo Bersezio, plume redoutée et réputée à l’époque, qui disait de La Bohème : « [Elle] ne laissera qu’une légère trace dans l’histoire de nos opéras. Le compositeur ferait bien de la considérer comme une erreur passagère. »
Et M. Bersezio comme une erreur de jugement définitive.
Les 10, 12 et 14 août 2024 dans le site antique gallo-romain de Sanxay (Vienne).
Pour s’y rendre sans se perdre, c’est LÀ (1)