Dernière mise à jour le 8 août 2024
Un Tramway nommé désir, ce n’est pas seulement Brando et Vivian Leigh en noir et blanc sur grand écran. C’est d’abord une pièce de théâtre de Tennessee Williams que Cristina Reali portera, avec quelques complices de haut niveau, au Vinci de Tours le 27 avril 2025.
Pour les dames, c’est Marlon Brando torse nu, événement transgressif pour l’Amérique puritaine des années cinquante. Pour les Oscars, c’est Vivian Leigh, Karl Malden et Kim Hunter. Pour les cinéphiles, c’est un chef d’œuvre signé Elia Kazan. Pour les amateurs de littérature américaine, c’est un monument, d’abord vu au théâtre, déjà avec Brando et Kazan metteur en scène (en France, c’est Cocteau qui s’y attaquera) et, ensuite, donc, au cinéma, avec les mêmes, mais aussi avec Vivian Leigh, comme on l’a dit. Et, pour tout le monde, Un Tramway nommé désir, c’est un direct à l’estomac, quelle que soit la version.
Comme le rappelle Loïck Gicquel sur L’Heure de la sortie dans un portrait extrêmement riche, Tennessee Williams est « l’un des auteurs les plus portés à l’écran avec 16 adaptations, soit environ la moitié de son œuvre théâtrale. » Et toutes des chefs-d’œuvre : « Autant de personnages puissants et complexes qui sont pour les acteurs de véritables cadeaux, avec des scènes et des répliques culte étudiées dans toutes les écoles d’art dramatique. D’ailleurs, est-ce un hasard si la plupart des œuvres de l’auteur adaptées au cinéma ont valu à leurs interprètes les honneurs des Oscars ? » (L’Heure de la sortie)
En s’attaquant à la bête, dans le rôle principal, mise en scène par Pauline Susini, Cristina Reali n’a pas eu peur des ombres du passé. Ni du texte, lourd, dense, âpre, déroutant… et auréolé d’un Prix Pulitzer. C’est vrai qu’elle a déjà beaucoup pratiqué Tennessee Williams. D’abord avec La Chatte sur un toit brûlant, puis avec La Rose tatouée (pièce écrite par Williams pour l’actrice Anna Magnani) et, surtout, La Ménagerie de verre, un sacré gros morceau aussi, inspiré par la jeunesse de l’auteur. Une inspiration que l’on retrouve peu ou prou dans toutes ses pièces. Un Tramway nommé désir n’y échappe pas. La folie de Blanche est un écho à la lobotomie dramatique de la sœur de Williams, thème au centre de Soudain l’été dernier.
La Marilyn des Désaxés
Ce genre de pari, Cristina Reali en a l’habitude. On l’a vue récemment à l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours en Simone Veil, ce qui était osé… et réussi. En revenant dans l’univers de Tennessee Williams, elle change de registre pour devenir Blanche, héroïne déchirée, déboulant dans la famille de sa sœur et sombrant dans la folie.
Soit Blanche DuBois, descendante d’une famille de propriétaires de plantations du Sud, bourgeoise déchue, ancienne prof d’anglais, coquette un brin farfelue en apparence, lestée d’un passé aussi lourd que mystérieux, qui s’est enfuie après avoir trouvé son mari avec un autre homme. L’homosexualité, même si elle n’est qu’évoquée dans la pièce, est toujours présente dans l’œuvre de Williams, généralement au second plan. La censure de McCarthy est là et l’auteur la contournera en permanence avec intelligence et habileté. Le Tramway en est la démonstration.
Direction Désir St
Blanche se réfugie chez sa sœur, Stella, mariée à Stanley Kowalsky, ouvrier sinon frustre, au moins « brut de fonderie ». Une situation qui peut évoquer – de loin, tout de même – la Carolina du film de Woody Allen, Wonder Wheel, en plus tragique.
Tous vont devoir vivre dans un petit appartement. L’environnement, l’espace confiné, vont ajouter à l’atmosphère et au développement du drame. La haine s’installe, puis la violence, mêlée au désir. C’est « l’histoire de deux visions du monde qui sont diamétralement opposées et qui s’affrontent », dit la professeure de littérature Catherine Arvisais-Castonguay.
« Gentille fille », voulant maladroitement le bonheur de sa sœur, Blanche se fracasse sur le milieu dans lequel elle se piège elle-même. Idéaliste, elle se heurte à la réalité d’une société qu’elle ne connaît pas, à une sexualité brutale, inéluctablement entraînée par un destin qui va la broyer : « Blanche, c’est la Marilyn des Désaxés. Inadaptée, cassée, névrosée, schizophrène. » (Le Figaro).
Une Marilyn arrivée par le tram : « Ils m’ont dit de prendre un tramway pour la rue du Désir, puis de changer, d’en prendre un autre pour la rue du Cimetière, de laisser passer six stations et de descendre aux Champs-Élysées » dit Blanche en arrivant chez sa sœur.
Coup de génie de Tennessee Williams qui a trouvé dans les rues de La Nouvelle-Orléans un thème et un titre. Pour ceux qui voudraient juger sur pièce, le tramway – d’époque – circule toujours. Prendre la ligne Saint Charles. Il vous en coûtera un peu plus d’un dollar. Pas cher pour se la jouer Marlon Brando ou Vivian Leigh…
Centre des congrès Vinci de Tours, le dimanche 27 avril 2025 à 16 heures.
Pour réserver ailleurs, c’est LÀ (1)