Dernière mise à jour le 31 août 2024
Avec L’Incroyable histoire de la littérature française, les éditions des Arènes vont redonner le sourire aux élèves de première… et à leurs parents.
Scène classique de la rentrée scolaire :
— Cette année, nous allons étudier trente-quatre auteurs français, du XVIe siècle au XXe.
Tête des élèves. Le moment où l’on regrette de ne pas avoir arrêté au brevet. On dit non avec la tête, on dit oui avec le cœur, et encore, on n’a pas encore étudié Prévert. Mais on aimerait dire non au professeur. Sauf que… :
— Ouvrez vos bandes dessinées !
Hein ?
D’accord, il va peser lourd dans les cartables. Trois-cent-cinquante pages, bien épaisses, bien garnies. Un kilo au bas mot (sic). Et même 1kg30, on a vérifié. Un pavé, une masse, une terreur. Seulement voilà, c’est le bouquin que l’on n’oubliera pas, que l’on feuillettera toute l’année, même à la maison. On parie ?
Des cases d’école
Il s’appelle L’Incroyable histoire de la littérature française, il est édité aux Arènes, dont on ne dira jamais assez la qualité et l’originalité des choix éditoriaux, et c’est une bande dessinée, une vraie de vraie, avec des cases et des bulles, sacrément bien remplies et vraiment marrantes. D’où la présence – pourquoi pas ? – potentielle dans les sacs à dos de celles et ceux qui auront à préparer le bac de français, entre deux danses sur TikTok et quelques « teufs » mémorables, surtout pour les voisins.
Une B.D., donc, bien classique, dense, drôle et nourrissante. Côté drôlerie, rien d’étonnant : l’auteur graphique de la chose, Philippe Bercovici, a fait ses classes à lui dans Pif, Spirou et autres Mickey. Mention spéciale pour son passage à L’Écho des savanes. L’influence de Gotlib se glisse parfois entre les bulles du livre. Pour les références, que ceux qui n’ont pas compris demandent à leurs parents, ça va rapprocher les générations.
Côté nourriture, c’est à Catherine Mory que l’on doit le menu bien garni du livre. Professeure de français, elle n’oublie pas que l’on peut avoir de l’humour pour parler de choses sérieuses. Qu’elle ait déjà publié, entre autres, La Littérature pour ceux qui ont tout oublié montre qu’elle avait tout pour réussir le mariage du stylo Waterman et du crayon Caran d’Ache, béni par Monseigneur des Arènes (1).
Drôles de gens que ces gens-là
L’Incroyable histoire de la littérature française, c’est un livre écrit par le petit bout du stylo. Autrement dit, une approche des auteurs dits « classiques » par ce qu’ils sont, des gens comme les autres, avec un petit truc en plus, tout de même, qu’on appelle le génie. On découvre donc que ces grandes signatures ont eu des vies, souvent « de patachon », comme disaient nos grands-mères, et que l’on pouvait être un grand auteur et un sacré turlupin (ou turlupine, demandez à George Sand), un auteur classique et un farceur de première, un philosophe réputé et un amateur de fessées, au moins certaines.
Démonstration ? Rousseau n’apprécie pas la fessée donnée par le pasteur mais apprécie celle qu’il reçoit sur les genoux de la fille d’icelui. Diderot écrit La Religieuse mais l’idée vient d’un « complot potache ». Montaigne écrit Les Essais mais dit qu’ils « ne sont que les excréments d’un vieil esprit ». Accessoirement, son éducation a bien commencé : son père, humaniste, a décidé de le réveiller en douceur au son d’un instrument de musique. Idée à suivre. Dans le livre, on voit un coq bâillonné pour ne pas troubler le réveil du gamin… Une petite dernière ? Marivaux, auteur de bien belles œuvres, a commencé en parodiant Homère. Ce qui donne cette réplique d’un soldat fuyard :
J’ai cependant, je le confesse,
Senti qu’on me lardait la fesse.
Sans m’arrêter j’ai dit, fripon,
Prends-tu mon cul pour un chapon ?
Succès garanti en classe. Cela dit, il serait injuste de s’arrêter à cette vision de nos gloires plumitives nationales, aussi réussie soit-elle. Les auteurs de L’Incroyable histoire de la littérature française parviennent à mêler l’anecdote au fond. Les fessées de Rousseau conduiront à sa réflexion sur la justice, le Contrat social n’est pas loin. La… modestie de Montaigne n’enlève rien à l’immensité de son travail, Marivaux est mondialement connu et ses pièces sont aussi des manifestes.
Bref, il n’est pas nécessaire de fouiller au fond des cases pour comprendre pourquoi ces auteurs méritent le détour. Certes la bande dessinée est drôle, très drôle, mais elle analyse finement l’œuvre des auteurs et, fichtre, donne sacrément envie de les (re)lire. Il va y avoir une hausse de niveau au bac de français, cette année. Surtout si l’on ajoute que Catherine Mory a enregistré des vidéos qui reprennent le principe du livre. On pourrait même les mettre sur TikTok.
Un livre pour se lancer dans le jeu de l’amour de la littérature et du hasard de la lecture. Et que ceux qui hésitent encore lisent le chapitre sur Baudelaire. Ils y apprendront le mot « procrastiner ». Ça peut toujours servir quand on a oublié de faire sa rédac’…
Aux Éditions des Arènes, disponible en ligne et dans toutes les bonnes librairies, comme on dit, pour la modique somme de 25 euros.
On peut en savoir plus ICI (2)
Pour voir les vidéos de Catherine Mory, c’est LÀ (2)