À mort, la mort  !
Colloque sur l’abolition
de la peine de mort

Dernière mise à jour le 21 juillet 2022

Il y a quarante ans, le couperet tombait sur la peine de mort. Robert Badinter avait gagné un combat qui remontait à Aristote. Le 9 octobre 2021, à la Faculté de droit de Tours, un colloque évoquera l’événement avec de nombreux intervenants de qualité.

Colloque sur l'abolition de la peine de mort Tours le 9 octobre 2021.
Mitterrand l’avait inscrite dans son programme mais n’en faisait pas une priorité. Badinter y voyait le combat de sa vie. (Photo DR)

L’homme peut être un animal « social » (Aristote, Arendt) ou « sociable » (Montesquieu), il reste un animal. Qu’il s’affranchisse des règles de la société, celle qui a fait de lui « une machine humaine » (Rousseau), et il agira par instinct… La colère, la peur, la folie prendront le pas sur la réflexion. Et l’humain, redevenu « non social », bête sauvage, peut-être, pourra tuer.

Pourtant, à l’heure où il fait face aux juges, qui est-il ? Un meurtrier, objectivement parlant, mais, la folie retombée, est-ce le même homme ? Débat complexe, encore plus aujourd’hui pour les raisons qu’on imagine, mais qui avait encore il y a quarante ans une réponse aussi tragique que systématique : la guillotine. Œil pour œil, dent pour dent, traduit en loi, en sentence, en meurtre légal.

Ce qui posait de nombreuses questions. Celle de l’erreur judiciaire, dès lors irréparable. Celle de la négation d’un possible rachat, d’une évolution de l’individu, de son retour dans le monde social. Celle de la dignité de la société, capable de tuer, elle aussi, mais à froid. Le marquis de Beccaria, un Italien, écrivait dès 1764 : « Verser le sang au nom de l’interdiction de tuer, n’est-ce pas une étrange contradiction ? »

En 2021, le débat n’est pas toujours clos dans les esprits mais il l’est dans le monde la justice. Il y a quarante ans, Robert Badinter, soutenu par François Mitterrand (mais pas par l’opinion publique) obtenait de l’Assemblée nationale qu’elle abolisse la peine de mort.

« La hache horrible, aux meurtres coutumière » (Victor Hugo)

Robert Badinter n’était que le dernier opposant en date à la peine capitale (« capitale » pour « tête », et non pour « principale », la peine capitale consistant à tuer, donc à décapiter, au sens propre ou figuré). Les premiers étaient apparus dès l’antiquité, Aristote, donc.

On les retrouvera à la Révolution (la guillotine est censée être plus humaine que les autres moyens employés alors) où un certain Robespierre affirme « qu’un bon législateur doit se montrer avare de sang, même le plus vil » (ce qu’il ne démontrera pas forcément par la suite, c’est vrai). 

Diderot considère l’emprisonnement à vie « plus effrayant que celui de la roue et un supplice plus cruel que la plus cruelle des morts »… Plus tard, Jaurès (« La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble »), Clémenceau, Gambetta, Camus (Réflexions sur la guillotine) et bien d’autres plaideront contre la peine de mort.

Colloque sur l'abolition de la peine de mort Tours le 9 octobre 2021.
Victor Hugo, l’un des plus fervents défenseurs de l’abolition. (Photo DR)

Entre-temps, Victor Hugo aura été un des plus actifs adversaires de l’assassinat légal, notamment avec son poème, L’échafaud, où il dénonce «  la hache horrible, aux meurtres coutumière »  :

Pareil à la lueur au fond d’un temple antique,
Le fatal couperet relevé triomphait.
Il n’avait rien gardé de ce qu’il avait fait
Qu’une petite tache imperceptible et rouge.

Puis arriva Badinter : « Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent » dira l’historien Jean-Yves Le Naour.

Colloque sur l'abolition de la peine de mort Tours le 9 octobre 2021.
Robert Badinter devant l’Assemblée nationale, le 17 septembre 1981. (Photo DR)

On connaît la magnifique « plaidoirie » de Robert Badinter devant l’Assemblée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’a pas seulement argumenté sur un plan philosophique. Il a aussi démontré que la prétendue valeur exemplaire de la peine de mort n’est qu’un leurre : « Je puis affirmer qu’il n’y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive. » Les chiffres le démontrent, mais Badinter a un exemple. Patrick Henry a assisté à une exécution. Il sera pourtant le meurtrier d’un enfant. Son défenseur, c’est Badinter. Sa plaidoirie sera moins la défense de Patrick Henry, véritablement « indéfendable », que le procès de la peine de mort.

« En vérité, la question de la peine de mort est simple pour qui veut l’analyser avec lucidité. Elle ne se pose pas en termes de dissuasion, ni même de technique répressive, mais en termes de choix politique et de choix moral » dira-t-il plus tard. Ce que confirme Jean-Yves Le Naour : « L’échafaud est tombé et la criminalité relevant de la peine capitale a continué sa courbe descendante. »

La redemption par l’Histoire

Samedi 9 octobre, un colloque se tiendra à Tours pour évoquer le quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort. Organisé à l’initiative de Jean-Michel Sieklucki, avocat, il accueillera nombre de spécialistes, dont on trouvera le détail sur le programme ci-dessous.

Parmi les intervenants, l’un touche particulièrement la ville de Tours et confirme magnifiquement la théorie de Robert Badinter. Fils d’un policier, Philippe Maurice sera le dernier condamné à mort pour meurtre. Jugé par la cour d’assises de Paris le 28 octobre 1980, gracié par François Mitterrand, il sauvera sa tête parce que la loi va être votée.

En prison, il reçoit la visite de Robert Badinter, venu lui annoncer sa grâce. L’être asocial, violent, se laisse convaincre de reprendre ses études. Il passe le bac, commence à étudier l’histoire. En décembre 1995, il soutient une thèse de doctorat en histoire médiévale à l’université François-Rabelais de Tours qui l’a toujours accompagné. Aujourd’hui, il est chargé de recherches, notamment au CNRS. « Philippe Maurice est vivant et le jeune homme rebelle et plein de haine qu’il était autrefois est mort sans que la société se soit couvert les mains de son sang » (Jean-Yves Le Naour)

Colloque sur l'abolition de la peine de mort Tours le 9 octobre 2021.
Les Tourangeaux peuvent voir une guillotine (qui n’a pas servi, semble-t-il), au Musée Maurice Dufresne d’Azay-le-Rideau. On n’arrête pas le progrès : celle-ci pouvait être déplacée à la demande… (Photo DR)

Pendant la journée, Philippe Maurice parlera de L’attente et le refus de la mort par le condamné. Robert Badinter interviendra en vidéo. Me Henri Leclerc, « ténor du barreau » comme on dit, affirmera que L’abolition totale et universelle de la peine de mort est un Droit de l’homme. Il y aura aussi un hommage à Victor Hugo, une intervention d’un ancien procureur de Tours, Michel Sabourault, un médecin légiste…

Un entretien avec Robert Badinter, qui ne pourra pas se déplacer, réalisé par les organisateurs du colloque, sera diffusé.

Un programme à la hauteur du sujet, même si, malheureusement, la notion d’universalité évoquée par Henri Leclerc n’a pas (pas encore ?) franchi toutes les frontières.

N’empêche, en France, on peut espérer, pour reprendre une ultime formule de Robert Badinter, que « dans quelques décennies, nos enfants, nos petits-enfants, regarderont au musée la guillotine avec la même stupéfaction horrifiée que nous regardons aujourd’hui les chevalets de torture. »

Samedi 9 octobre 2021 à partir de 9h30 à la Faculté de droit, d’économie et des sciences sociales de Tours, 50, avenue Jean Portalis.

 

Inscription

 

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