Dernière mise à jour le 28 avril 2022
Édouard Baer joue Édouard Baer, auteur et acteur. Dans son propre rôle, du moins dans celui de l’acteur, il nous sort les Élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce. L’homme, c’est lui, l’auteur du texte aussi. Et tout le monde sera sur la scène de l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours le 26 avril 2022.
Seul problème : Édouard Baer a peur du public. On y va quand même ?

Peu de temps “avant” (on dit ça, maintenant quand on évoque l’épidémie de coronavirus et ses conséquences sur notre vie sociale et culturelle), il était presque tout seul en scène et c’était bien. Il y avait tout de même un drôle d’oiseau bleu qui passait et c’est d’ailleurs amusant de savoir que ledit volatile devrait atterrir aussi sur la scène de l’Espace Malraux de Joué-lès-Tours, à peine un mois avant lui. (voir notre article)
Si le pervers virus n’était venu bousiller son calendrier, Édouard Baer aurait dû s’embarquer dans une aventure collective. Haut les masques, c’est fichu, on lui demande de profiter du confinement pour écrire une pièce, il le fait en quelques semaines, il va la jouer, et c’est formidable.
”Décousu et foutraque”
Les élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce, ce sont les réflexions d’un homme, un acteur donc, soudain paniqué par le regard du public et qui s’enfuit avant de s’interroger sur le sens de sa vie dans « un monologue décousu et foutraque » (Le Monde) : « C’est comme quelqu’un qui serait descendu de chez lui acheter des allumettes et qui se demande s’il va remonter » dit Baer. Une situation que tout le monde a vécue un jour ou l’autre, même si on ne fume pas.
Le comédien en fuite est sur scène avec un régisseur souffre-douleur, confident, miroir. Mais c’est une performance d’acteur qu’Édouard Baer va offrir à cet autre public, apprivoisé celui-là : « Une prestation de haut vol qui donne le vertige. […] Tout tient de l’exceptionnel d’un exercice de style qui tire sur le fil aussi précieux que fragile d’un spectacle à déguster comme la plus brillante des improvisations. » (Les Inrockuptibles) Et c’est vrai qu’il y a de l’improvisation dans la pièce, ce qui permet à l’auteur/acteur d’en changer le ton chaque soir.

Au fil de ses réflexions au coin du zinc (venu d’un spectacle qu’il a abandonné – « Je jouais Malraux dans le théâtre d’à côté, je n’y ai pas cru. » – il a atterri dans le décor du Dernier bar avant la fin du monde), « Il en appelle à ceux qu’il admire. Charles Bukowski ou Thomas Bernhard, André Malraux ou Jean Moulin, Romain Gary, dont il retient le courage, l’esprit, le talent… Jusqu’à la fascination pour la mort et le suicide. » (Le Figaro) On a les fantômes que l’on mérite.
Les élucubrations paradoxales du comédien
On aura donc droit au discours de Malraux au Panthéon comme à des interrogations sur la manière qu’avait Napoléon de galvaniser ses troupes alors qu’il n’avait pas de micro, à une imitation de Jean Rochefort ou à une évocation du suicide de Romain Gary. « Un comédien funambule qui a le don de passer du coq à l’âne sans perdre son public, tchatcheur intello, romantique tourmenté. » (Le Monde)

Pourtant, si les pensées sont sérieuses, le rire n’est jamais loin. Il est même généralement présent : « C’est un instinct que j’ai. Je n’arrive pas à m’appesantir sur le grave. C’est un instinct de survie » constate Édouard Baer. (FranceTVInfo) Ces élucubrations sont le Paradoxe du comédien d’un artiste « plus Musset (ou Guitry) que Racine » (Télérama) autant que celles d’un humain banal : « Ce sont des peurs qu’on peut avoir quand on fait des métiers où on se montre. C’est le sentiment d’imposture que beaucoup de gens ont à un moment, qui se demandent ‘qui suis-je pour être là ?’ ou ‘est-ce que je suis à ma place dans ma vie ?‘ » (FranceTVInfo)
Si l’on en juge par le succès – public et critique – remporté par ses élucubrations (le mot a été choisi parce qu’il évoque « une liberté de langage qui permet de ne pas prendre toujours au sérieux ce que l’on dit ») qui n’en sont pas, Édouard Baer est à la sienne.