Dernière mise à jour le 5 mai 2022
Il fait parfois dans le gigantisme. Il a commencé dans la rue. Il est exposé à New-York comme à Dubaï. Allez savoir pourquoi (nous, on sait) il est passé par la Galerie Veyssière Sigma de Tours en 2020 avec son Journal Intime Part. I.
Du 12 mai 2022 au 28 août de la même année, il revient à Tours, cette fois à l’Hôtel Goüin. C’est JonOne et c’est toujours la Galerie Veyssière-Sigma qui régale.
John Andrew Perello, AKA JonOne is a graffiti artist, born in 1963 in New York, USA. Quand on a dit ça, à part faire semblant de parler anglais, on n’a pas dit grand chose. Sinon qu’à New-York, particulièrement à Harlem, quand on s’emmerde dans les halls d’immeubles (“Comme partout », constate John Andrew) et qu’on a des démangeaisons d’expressionisme pictural, on va dans le métro. Et on tague les wagons. « Le métro, c’est un musée qui traverse la ville » dit-il encore. À New-York en tout cas.

Apparemment, ça ne dérange pas grand monde, sauf peut-être la RATP locale, la MTA (Metropolitan Transportation Authority) pour les amateurs de précisions. C’est comme ça que John Andrew, qui ne s’appelait pas encore JonOne, a vidé ses premières bombes de peinture.
Si l’on en croit Wikipédia, ses vrais débuts ont été une déclaration d’amour taguée sur les murs du quartier. La demoiselle a été conquise, mais pas éternellement. Pour se remettre de leur rupture, le tagueur éploré va suivre en 1987 son pote Rockin’ Squat, rappeur français.
Le temps des copains
Une quarantaine d’années plus tard, le graffeur amateur est devenu artiste peintre professionnel, s’appelle définitivement JonOne, continue parfois à taguer des wagons, mais c’est pour des performances, et exerce aussi son talent sur des avions, ce qui est plus classe que les rames new-yorkaises, aussi folkloriques soient-elles, et même sur un Thalys, avec la permission du proprio.

De New-York, JonOne a atterri à Roubaix, que l’on ne savait pas si bien desservi, on se demande pourquoi. Mais entre-temps, il a fait quelques étapes, dont Paris, comme on l’a vu plus haut. Son talent avait déjà évolué avant son départ, poussé par un ami, A-One, lui aussi graffeur : « Grâce à A-One, j’ai commencé à visiter des expositions, à nourrir ma vision de ce qui se passait dans ce monde. J’ai commencé à prendre mon travail au sérieux, à ne pas le considérer comme du vandalisme mais simplement comme de l’art. » dit JonOne (Nova Mag)
A-One avait raison. JonOne a un sacré talent. Il faut voir comment ce qui n’était qu’un assemblage de lettres est devenu un vocabulaire coloré éblouissant. La matière bouge, éclate. On la dirait lumineuse. Au fil du temps, l’écriture disparaît. JonOne se contente de touches projetées, manipulées. L’œuvre finie semble sauvage (« Mes toiles sont une jungle. » – Artistikrezo) mais il faut voir l’artiste au travail pour comprendre que la moindre tache est ressentie avant d’être figée.
Fort, très fort…
C’est beau, et il est juste que JonOne soit devenu star internationale. « Peindre m’a ouvert à moi-même, cela me permet d’entrer en communication avec ce que je suis » dit-il. Une ouverture qu’il n’a trouvée qu’à Paris : « À Boston, si tu fais une exposition de graff’, la police va faire une descente pour coffrer les artistes. C’est ce qui est arrivé récemment à Obey, l’auteur en 2008 de l’affiche de la campagne de Barack Obama ! » (L’Express) Petite précision, si vous êtes tentés : certaine de ses toiles se vendent jusqu’à 150 000 euros… Inflation non incluse.
Communication donc. Le travail de JonOne « parle ». Fort, très fort. Ce qui ne l’empêche pas d’être entendu des officiels, au grand dam de certains puristes du street art qui voient là une trahison. JonOne (il a reçu la Légion d’honneur…) a peint des foulards et des flacons pour Guerlain, et même une Liberté guidant le peuple pour l’Assemblée Nationale.
Sa liberté à lui, il la consacre aussi à des œuvres de charité. En 2011, il a peint un portrait de l’abbé Pierre uniquement avec le texte de la fameuse déclaration de l’abbé en 1954. L’œuvre est magnifique, est restée sur le mur où elle a été créée et se retrouve sur des t-shirts.
Liberté chérie…
En perpétuelle évolution, JonOne s’est essayé aux – très – grands formats à Marseille. Magnifique. Mais pour entrer dans la Galerie Veyssière Sigma à Tours, il lui a fallu réduire ses ambitions. La collection qu’il a exposée s’appellait Journal Intime Part. I.
Pour la Galerie tourangelle, recevoir JonOne était un coup d’éclat mais devient presque une habitude. Encore une histoire de copains. C’est un pote du proprio de la galerie, Élie Veyssière, qui lui a parlé de son pote JoneOne. Rencontre, sympathie, décision. La première visite en Touraine est un triomphe. Chapeau l’artiste (on parle du propriétaire, Élie Veyssière, évidemment), dont les cimaises commencent à recevoir de plus en plus de signatures reconnues au-delà des rives de la Loire.

Donc, puisqu’on s’entend bien, autant se revoir. La galerie de la rue Colbert est sympa mais un poil petite pour un JonOne qui a parfois la folie des grandeurs (voir pour cela l’expo du Mucem marseillais). L’Hôtel Goüin n’est pas loin, il se prend aussi pour une galerie, le Président du Conseil Général, auquel le lieu appartient, passe devant chez Veyssière en sortant du boulot… On bavarde, on imagine et on décide. JonOne exposera rue du Commerce, où il succédera à Combas, autre dynamiteur de toiles, non sans laisser quelques traces dans la Galerie Sigma, tout de même.
Puisque JonOne dit « Pour moi, faire preuve d’audace est synonyme de liberté. » (Christophe Ménager), autant le libérer complétement. L’exposition, nommée The Big Takeover, sera une sorte de performance, exercice prisé de l’artiste. Il se livrera à un « solo show », notamment le jour du vernissage. La traduction du titre (invitation, prise de contrôle, prise de pouvoir…) laisse libre court à l’imagination mais ça devrait sérieusement dépoter, sans jeu de mots.

Et pour le fun…
JonOne par Joey Star. Le premier a dessiné un mur en utilisant le nom du second. Au temps où ils cohabitaient. Presque.
Et l’artiste au travail.