Débat Mitterrand/Chirac
La politique est l’art de mentir à propos

Dernière mise à jour le 19 mai 2019

 

Photo DR – Photo d’accueil Pascal Victor

« La politique est l’art de mentir à propos ». Une citation de Voltaire reprise par François Morel. À laquelle Jacques Weber répond : « La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée » (Talleyrand). Mais qu’est-ce qui a pris au second de transformer un débat politique en spectacle de théâtre ?

« On dit souvent que les politiques sont de grands acteurs. Non. Chez nous, tout est faux pour devenir vrai. Eux sont faux en disant la vérité. » (l’Obs). Jacques Weber veut donc parler vrai. Quitte à utiliser un texte dont il sait… qu’il est truffé de mensonges. Compliqué, le monsieur ?

Pas vraiment. Weber a compris que, sans les personnages d’origine, le texte prend une toute autre dimension : « Avec les vrais protagonistes, on a affaire à un document historique. Si c’est joué, une distance se met en place et l’on se trouve dans l’interprétation. » (L’Obs). Alors, ce fameux débat entre deux sacrés monstres, celui qui vit Mitterrand vaincre Chirac après un affrontement sauvage dont seul le ton était moucheté (et encore, pas tout le temps) le 28 avril 1988, ce document n’était donc pas qu’un monument historique figé. Et Weber est allé chercher François Morel (qui joue Chirac) pour le dire, sur une scène et pas dans un studio de télévision. C’était entre les deux tours de la dernière présidentielle. Mais Weber est un récidiviste.

L’idée date d’autres « débats historiques », ceux qui ont opposé Mitterrand à Giscard d’Estaing en 1974 et 1981. Dix ans tout juste avant qu’il ne s’attaque au Mitterrand/Chirac, il les avait (re)joués (avec Jean-François Balmer), déjà entre les deux tours de la présidentielle de l’époque.

Un texte shakespearien

Donc, un texte, et pas n’importe lequel. D’abord un texte « bien écrit ». Ces deux-là savent parler. Un texte qui est l’aboutissement d’une guerre : « Oui, il y a bien quelque chose de shakespearien dans ce combat d’homme à homme, un Prince défie le vieux Roi » dit Weber. Un texte avec ses répliques mythiques (« Vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier ministre », « Vous n’avez pas le monopole du cœur », pris à… Giscard d’Estaing)Un texte qui parfois peut devenir drôle, lorsque, aussi brillant soit-il, un protagoniste rate une réponse. Le théâtre est impitoyable.

Pour le dire, deux grand acteurs, qui se refusent à singer les « comédiens » de la première : « Ni François Morel ni moi ne sommes des imitateurs. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y ait un autre son, un autre rythme, une mise en jeu différente. Un rapport ludique supplémentaire nous est permis puisqu’il s’agit de théâtre. Le spectateur n’a plus à se demander pour qui il va voter. »

Un spectacle, donc. Un grand spectacle qui conduit le spectateur à s’interroger, évidemment. Et à constater, comme Morel, que « on y verra qu’il y a vingt-cinq ans, les sujets du débat étaient les mêmes : le chômage, l’immigration… Si ce n’est que la situation a empiré. »

Alors, un spectacle actuel. Jacques Weber, encore : « Ce débat fut « joué » et enregistré, il dort à présent dans les archives de l’INA, nous le « jouons » et comme le disait Louis Jouvet : « Au théâtre on joue, au cinéma on a joué ».

Mardi 15 janvier 2019 à l’Espace Malraux